"Tu m'pousses j'te pousse, mais toujours avec le sourire."
C'est ce qu'on se dit à chaque entrée/sortie du Métro. Car oui, ici il y a un métro ! Delhi est la première et la seule ville indienne qui en est équipée.
Celui-ci nous a transporté d'un bout à l'autre de la ville de manière économique, rapide et sûre.
Il sert de passerelle entre l'ancien et le nouveau, le populaire et l'élitiste, le sale et le propre, le bruyant et le calme, le Old Delhi et le New Delhi.
Et ce nouveau métro plait beaucoup aux indiens.
Ils le prennent avec le sourire, se bagarrent en rigolant pour se jeter sur une place assise dès qu'elle se libère, font la queue sur le quai - à la manière des anglais attendant le bus - mais se joignent tous à la joyeuse bousculade qui accueille chaque métro à quai. On prend vite goût à ce jeu (facile vu que c'est temporaire pour nous) et on y va : on fonce droit devant nous, les sacs devants, on hurle notre cri de guerre "tu me pousses j'te pouuuuuuuusse" et en on sort à chaque fois avec des éclats de rire.
Files d'attente d'un prochain métro
Ce métro qui est, contrairement à Paris, beaucoup plus propre et rassurant que ce qu'il y a à la surface (avec un portique de sécurité à chaque entrée), ne nous a cependant pas empêché de prendre des rickshaw (tuktuk indiens) pour être au plus près de la rue et découvrir Delhi telle qu'on se l'imagine.
A commencer par un samedi entier dans le Old Delhi.
Une ville dans une autre. Surréaliste, un cauchemar, un rêve, qui nous plonge au moyen âge : des commerçants de toute sorte (épices, tissus, fruits secs, beurre clarifié, fleurs, blés, farine, offrandes, objets et statuettes sacrés...), de fortes odeurs, des parfums enivrants et des poussières se mêlent dans un vacarme sans fin, une foule oppressante, des bouchons et des klaxons (encore et plus que jamais!) et dans tout cela, des files de porteurs sur la tête, la nuque écrasée par plusieurs kgs de marchandise, des tireurs de charrettes, un à l'avant et parfois un à l'arrière, les plus chanceux tirent et poussent leurs vélos... Sous un soleil de plomb. Un système de castes bien ressenti.
Un courage qui nous laisse ébahis : un porteur travaille tôt le matin jusqu'à tard le soir. Sans arrêt. Se mêlent à la circulation folle entre les rickshaws, les voitures et ces biiiip de klaxons (on pense avec un petit sourire ironique aux bouchons d'oreilles gentillement distribués à l'entrée des concerts chez nous). La transpiration coule à flot et ils avancent sans relâche. Où puisent-ils cette force pour se lever le lendemain et repartir pour une journée semblable à la veille et aussi éprouvante. Tous les jours. Et nous l'imaginons, avec seulement une maigre consolation durant le repas du soir.
Porteur à pieds
Porteur à vélo
Nous savourons quelques minutes de paix dans une mosquée et nous repartons dans ce gigantesque capharnaüm.
Mosquée Fatehpuri
Nous prenons un rickshaw direction Juma Masjid, la plus grande mosquée d'Inde, et parmi les 5 plus grandes au monde. Nous sommes pris dans un gigantesque bouchon qui encombre Old Delhi dans son intégralité.
Ici, comme souvent en Inde, on ressent la loi du plus fort. Là, c'est en fonction du moyen de transport : le vélo-rickshaw plus fort que les piétons, le rickshaw à moteur écrase le vélo, et laisse passer les voitures, etc.
Carrefour dans le Old Delhi
Charette à bœuf au milieu de la circulation du Old Delhi
On rentre exténués et sales comme jamais, mais heureux d'avoir vu cet endroit si particulier. Et on imagine qu'un nouvel arrivant se retrouvant plongé directement là-dedans doit se faire une bien terrible image de l'Inde.
Les jours suivants, nous passons notre temps dans le New Delhi, là où les routes sont propres et peu passantes, les maisons immenses et les promenades forts agréables.
Trois visites ressortent du lot.
Maison du New Delhi
Les Lodhi Gardens sont une oasis de tranquillité qu'on aurait jamais imaginé dans cette ville, surtout après la veille à Old Delhi.
Parsemés de tombeaux et de plans d'eau, ces jardins servent d'espaces verts aux familles les plus aisées qui viennent y faire jouer leurs enfants.
Largement comparables, voir supérieurs aux jardins parisiens, ils sont un véritable coup de cœur.
Lodhi gardens
La tombe d'Umayun est magnifique, tout en grès rouge et marbre blanc (comme quasiment tous les monuments qu'on a vu), et a servi de principal modèle au Taj Mahal.
Tombe d'Umayun
Enfin, le Gurudwara Bangla Sahib, le plus grand temple sikh de Delhi, est le lieu religieux le plus accueillant que l'on ai vu.
Pour mieux comprendre, le Sikhisme est une religion monothéiste dérivée de l'hindouisme, mais sans système de castes, qui accepte toutes les autres religions et prônent principalement la tolérance et la fraternité.
Au temple, toutes les taches sont réalisées par des fidèles, qui sont très accueillants. Nous sommes séduits par leur élan de solidarité et leur ferveur. Plus globalement, Delhi nous a clairement réconciliée avec les indiens.
Après la visite, on se pose un moment au bord du plan d'eau de l'enceinte extérieure, et on devine assez vite une ambiance particulière. Beaucoup de gens sont affairés à nettoyer le sable d'à côté, d'autres en ramènent de pleins sceaux sur leur tête. L'atmosphère est à la fête.
Fidèle sikh amenant du nouveau sable
Bientôt, certains commencent à s'assoir en répétant une sorte de mantra. Rejoins par l'ensemble de la communauté.
On nous invite à passer à l'arrière, et on assiste alors à l'arrivée des vieux sages, portant chacun une jarre d'eau sur la tête, qu'ils déversent dans de grosses cuves préparées peu avant.
Les fidèles se ruent alors dessus pour recevoir la bénédiction de la "new water".
Tout heureux d'avoir assister à cette belle cérémonie, on demande alors si cela a lieu tous les jours, voir toutes les semaines.
En fait, c'est seulement tous les 25 ans !!!
Et dire qu'on y est allé par hasard.
Temple sikh Gurudwara Bangla Sahib
Enfin, et comme un rappel à l'ordre sur la méfiance, la prudence et l'humilité dont il faut toujours faire preuve, en nous promenant dans la rue touristique de notre hôtel nous avons assisté à un étrange combat entre un touriste ayant l'air défoncé et un vieil indien. Entre les deux, un énorme couteau dont ils essayaient chacun de prendre le contrôle dans la main de l'autre, devant une foule locale spectatrice et tout à fait passive !
On s'est vite éloigné, et finalement plus de peur que de mal avec quelques coups de poing échangés. Mais la haine était palpable et on a bien flippé. Ne jamais prendre ses aises...
On quitte finalement Delhi (avec une pointe nostalgique) pour Varanasi. 17h de train.